• Hobbes
La relativité de la justice et de l'injustice face à  l'ignorance des causes
justice - raison



L' auteur :

Hobbes

(1588-1679) Philosophe Contractualiste comme Locke et Rousseau ; selon eux le pouvoir politique serait issu d'un accord passé librement entre les hommes : un contrat social. Hobbes pense ce contrat à l'aune de ce qu'il y avait avant, « l'état de Nature ».

Le repère :

légal/légitime

Le texte :

« L'ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, de l'équité, de la loi et de la justice conduit les gens à faire de la coutume et de l'exemple la règle de leurs actions, de telle sorte qu'ils pensent qu'une chose est injuste quand elle est punie par la coutume, et qu'une chose est juste quand ils peuvent montrer par l'exemple qu'elle n'est pas punissable et qu'on l'approuve. […] Ils sont pareils aux petits enfants qui n'ont d'autre règle des bonnes et des mauvaises manières que la correction infligée par leurs parents et par leurs maîtres, à ceci près que les enfants se tiennent constamment à leur règle, ce que ne font pas les adultes parce que, devenus forts et obstinés, ils en appellent de la coutume à la raison, et de la raison à la coutume, comme cela les sert, s'éloignant de la coutume quand leur intérêt le requiert et combattant la raison aussi souvent qu'elle va contre eux. C'est pourquoi la doctrine du juste et de l'injuste est débattue en permanence, à la fois par la plume et par l'épée. Ce qui n'est pas le cas de la doctrine des lignes et des figures parce que la vérité en ce domaine n'intéresse pas les gens, attendu qu'elle ne s'oppose ni à leur ambition, ni à leur profit, ni à leur lubricité. En effet, en ce qui concerne la doctrine selon laquelle les trois angles d'un triangle sont égaux à deux angles d'un carré, si elle avait été contraire au droit de dominer de quelqu'un, ou à l'intérêt de ceux qui dominent, je ne doute pas qu'elle eût été, sinon débattue, en tout cas éliminée en brûlant tous les livres de géométrie, si cela eût été possible à celui qui y aurait eu intérêt. »
Hobbes, Léviathan

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Quelle est la conséquence de l'ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, de l'équité, de la loi et de la justice selon l'auteur ?
2) Comment les gens déterminent-ils si une chose est juste ou injuste selon l'auteur ?
3) Comment l'auteur compare-t-il les adultes aux enfants en ce qui concerne les r��gles de bonnes et de mauvaises mani��res ?
4) Pourquoi la doctrine du juste et de l'injuste est-elle débattue en permanence selon l'auteur ?

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de hobbes :

- le texte commence par affirmer que l'ignorance des principes du droit, de l'équité, de la loi et de la justice conduit les gens à se référer à la coutume et à l'exemple pour juger de ce qui est juste ou injuste.

Cette affirmation implique que le droit et la justice ne sont pas fondés sur la nature des choses, mais sur l'opinion et la tradition.

L'auteur montre ainsi que le domaine moral est soumis à la variabilité et à l'arbitraire des coutumes humaines, qui peuvent différer selon les lieux et les époques.



- l'auteur compare ensuite les gens qui se fondent sur la coutume et l'exemple à des enfants qui ne connaissent pas d'autre règle que la correction infligée par leurs parents ou leurs maîtres.

Cette comparaison vise à souligner le caractère immature et irrationnel de ceux qui se soumettent à l'autorité sans la questionner.

L'auteur fait cependant remarquer que les adultes ne sont pas plus constants que les enfants, car ils changent de critère selon leur intérêt, tantôt invoquant la coutume, tantôt la raison, pour justifier leurs actions.

L'auteur dénonce ainsi l'hypocrisie et l'inconsistance de ceux qui font du droit et de la justice des instruments au service de leur ambition, de leur profit ou de leur lubricité.



- l'auteur oppose enfin le domaine moral au domaine mathématique, en affirmant que la doctrine du juste et de l'injuste est débattue en permanence, alors que celle des lignes et des figures ne l'est pas.

Cette opposition vise à montrer que le domaine moral n'est pas fondé sur des vérités universelles et nécessaires, comme le sont les vérités géométriques, mais sur des intérêts particuliers et contingents.

L'auteur illustre son propos par un exemple imaginaire : si la doctrine selon laquelle les trois angles d'un triangle sont égaux à deux angles d'un carré avait été contraire à l'intérêt de quelqu'un, elle aurait été contestée ou supprimée.

L'auteur suggère ainsi que le domaine moral est soumis aux rapports de force entre les hommes, qui cherchent à imposer leur volonté aux autres.

Le texte de hobbes a pour enjeu de remettre en cause la conception traditionnelle du droit et de la justice comme expressions d'une loi naturelle ou divine, qui serait valable pour tous les hommes en tout temps.

Il cherche à montrer que le droit et la justice sont des constructions humaines, qui dépendent des circonstances historiques et politiques, et qui sont souvent le résultat de la violence ou de la ruse.

Il invite ainsi le lecteur à réfléchir sur les conditions d'un ordre social stable et légitime, qui ne soit pas fondé sur l'opinion ou la force, mais sur un contrat rationnel entre les hommes.