Dans cet extrait de l'essai sur l'entendement humain, locke remet en question la possibilité pour l'à¢me de penser sans en être consciente. il s'interroge sur la capacité de ressentir le bonheur ou le malheur en l'absence de conscience, remettant ainsi en cause l'existence d'une identité personnelle distincte entre l'état de veille et le sommeil.
(1632-1704) Philosophe du mouvement de l'empirisme anglais, qui stipule que toute connaissance dérive par nature de l'expérience. Toute sa philosophie fait découler des implications pratiques à partir de ce constat.
identité/égalité/différence
« Il est difficile de concevoir qu'une chose pense sans en être consciente. Si vraiment l'âme d'un homme qui dort pense sans qu'il en soit conscient, je pose la question : ressent-elle plaisir ou douleur, est-elle capable de bonheur ou de malheur pendant qu'elle pense ainsi ? Je suis sûr que l'homme ne le peut pas, pas plus que le lit ou le sol sur lequel il repose. Car être heureux ou malheureux sans en être conscient me paraît totalement contradictoire et impossible. Ou s'il était possible que l'âme ait, dans un corps endormi, des pensées, des joies, des soucis, des plaisirs et des peines séparés dont l'homme ne serait pas conscient, qu'il ne partagerait pas, il serait alors certain que Socrate endormi et Socrate éveillé ne seraient pas la même personne : son âme quand il dort, et l'homme Socrate pris corps et âme quand il est éveillé, seraient deux personnes distinctes. En effet, Socrate éveillé n'a aucune connaissance ni aucun souci de ce bonheur ou de ce malheur que son âme seule éprouve, de son côté, tandis qu'il dort sans rien en percevoir ; il n'en aurait pas plus qu'à l'égard du bonheur ou du malheur d'un homme des Indes qu'il ne connaîtrait pas. Car si nous ôtons toute conscience de nos actions et de nos sensations, en particulier du plaisir et de la douleur, et du souci qui les accompagnent, il sera difficile de savoir où placer l'identité personnelle. »
Locke, Essai sur l'entendement humain
[A] û Questions dÆanalyse
1) Quelle est la difficulté soulevée par l'auteur dans le texte ?
2) Que signifie le fait de penser sans en être conscient ?
3) Comment l'auteur explique-t-il que l'âme d'un homme endormi ne peut pas ressentir de plaisir ou de douleur ?
4) Quelle serait la conséquence si l'âme avait des pensées et des émotions distinctes de l'homme éveillé ?
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
dans ce texte, locke s'interroge sur la possibilité que l'âme humaine pense sans que l'homme en soit conscient, notamment dans le cas du sommeil.
Il cherche à montrer que cette hypothèse est absurde et qu'elle remet en cause l'identité personnelle.
Pour cela, il commence par affirmer qu'il est difficile de concevoir qu'une chose pense sans en être consciente.
Il pose ainsi le problème de la relation entre la pensée et la conscience, qui sont souvent considérées comme inséparables.
Il utilise le terme de "chose" pour désigner indifféremment l'âme ou le corps, ce qui suggère qu'il ne fait pas de distinction ontologique entre les deux.
Ensuite, il propose une expérience de pensée : si l'âme d'un homme qui dort pense sans qu'il en soit conscient, ressent-elle plaisir ou douleur, est-elle capable de bonheur ou de malheur ? il répond par la négative, en se fondant sur son intuition et sur le principe de non-contradiction.
Il affirme que être heureux ou malheureux sans en être conscient est impossible, car cela impliquerait de ne pas avoir accès à ses propres états affectifs.
Il renforce son argument en comparant l'homme endormi au lit ou au sol sur lequel il repose, qui sont des objets inanimés et insensibles.
Puis, il envisage une autre conséquence de l'hypothèse : si l'âme avait des pensées et des sentiments séparés de ceux de l'homme éveillé, alors socrate endormi et socrate éveillé ne seraient pas la même personne.
Il utilise l'exemple de socrate, un philosophe célèbre, pour illustrer son propos et pour souligner le paradoxe que cela entraînerait.
Il explique que socrate éveillé n'aurait aucune connaissance ni aucun souci de ce que son âme éprouve pendant son sommeil, et qu'il n'en aurait pas plus qu'à l'égard d'un homme des indes qu'il ne connaîtrait pas.
Il montre ainsi que l'hypothèse rompt le lien entre la mémoire et l'identité personnelle.
Enfin, il conclut en affirmant qu'il sera difficile de savoir où placer l'identité personnelle si nous ôtons toute conscience de nos actions et de nos sensations.
Il reprend le terme de "conscience" qu'il avait employé au début du texte, et il le relie aux notions de plaisir, de douleur et de souci, qui sont des éléments essentiels de la vie morale.
Il suggère que l'identité personnelle repose sur la conscience de soi, qui est une condition de la responsabilité et du bonheur.
Ainsi, locke réfute l'idée que l'âme puisse penser sans que l'homme en soit conscient, en montrant que cela conduirait à nier la réalité des sentiments et à remettre en cause l'unité et la continuité du moi.
Il défend une conception empiriste et moraliste de la personne humaine, fondée sur la conscience et la mémoire.