(1724-1804) Consacre toute son œuvre philosophique à établir les limites dans lesquelles la raison est légitime. Il va lutter contre les doctrines métaphysiques et recentrer la raison sur des connaissances plus certaines (mathématiques, physiques etc.)
idéal/réel
« Nous sommes cultivés au plus haut degré par l'art et par la science. Nous sommes civilisés, jusqu'à en être accablés, par la politesse et les bienséances sociales de toute sorte. Mais nous sommes encore loin de pouvoir nous tenir pour déjà moralisés. Si en effet l'idée de la moralité appartient bien à la culture, la mise en pratique de cette idée qui n'aboutit qu'à une apparence de moralité dans l'amour de l'honneur et la bienséance extérieure, constitue simplement la civilisation. Or tant que les États jettent toutes leurs forces dans leurs projets d'extension vains et violents, tant qu'ils entravent ainsi sans cesse le lent effort de formation intérieure du mode de penser de leurs citoyens, et qu'ils leur retirent ainsi toute aide en vue de cette fin, une fin semblable ne peut être atteinte, car sa réalisation exige que, par un long travail intérieur, chaque communauté forme ses citoyens. Or, tout bien qui n'est pas greffé sur une intention moralement bonne n'est qu'apparence criante et brillante misère. C'est dans cet état que l'espèce humaine restera jusqu'à ce qu'elle s'arrache par son travail […] à l'état chaotique de ses relations internationales. »
Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique
[A] - Questions d'analyse
1) Quels sont les éléments de la culture mentionnés dans le texte ?
2) Quelle distinction l'auteur fait-il entre la moralité et la civilisation ?
3) Comment l'idée de moralité est-elle mise en pratique selon l'auteur ?
4) Quel est le lien établi entre les projets d'extension des États et la formation intérieure des citoyens ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Tout bien qui n'est pas greffé sur une intention moralement bonne n'est qu'apparence criante et brillante mis��re."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] - Commentaire
1) Selon Kant, en quoi la réalisation de la moralité est-elle liée à la formation intérieure des citoyens ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la civilisation peut réellement conduire à la moralité.
Voici un exemple de développement possible :
l'auteur du texte, kant, s'interroge sur la différence entre la culture, la civilisation et la moralité, et sur les conditions nécessaires pour que l'humanité progresse vers une véritable moralisation.
Il commence par affirmer que nous sommes cultivés et civilisés, mais pas encore moralisés.
Il explique ensuite ce qu'il entend par ces termes, et pourquoi il y a un écart entre la culture et la moralité.
Il termine en montrant que la moralisation dépend de la transformation des relations internationales entre les états.
Dans la première phrase, kant pose le constat que nous sommes cultivés et civilisés, mais pas encore moralisés.
Il oppose ainsi deux notions qui semblent proches : la culture et la civilisation, à une troisième qui leur est supérieure : la moralité.
Il suggère que la culture et la civilisation ne suffisent pas à faire de nous des êtres moraux, c'est-à-dire capables d'agir selon des principes universels et rationnels.
Il soulève ainsi le problème de la finalité de l'histoire humaine, et de l'écart entre nos capacités intellectuelles et nos comportements pratiques.
Dans la deuxième phrase, kant définit ce qu'il entend par culture, civilisation et moralité.
Il distingue la culture comme l'ensemble des connaissances acquises par l'art et la science, de la civilisation comme l'ensemble des règles sociales qui régissent les rapports entre les individus.
Il affirme que l'idée de moralité appartient à la culture, mais que sa mise en pratique n'est souvent qu'une apparence de moralité, fondée sur l'amour de l'honneur ou sur la bienséance extérieure.
Il montre ainsi que la culture et la civilisation ne garantissent pas l'authenticité de la moralité, qui repose sur une intention moralement bonne, c'est-à-dire conforme au devoir.
Dans la troisième phrase, kant expose les obstacles à la moralisation de l'humanité.
Il dénonce le rôle néfaste des états qui se livrent à des projets d'extension vains et violents, et qui empêchent ainsi le développement intérieur de leurs citoyens.
Il affirme que la moralisation exige un long travail intérieur de chaque communauté, qui forme ses citoyens à penser selon les principes moraux.
Il critique donc le fait que les états privilégient les intérêts politiques ou économiques au détriment des intérêts moraux.
Il souligne que tout bien qui n'est pas fondé sur une intention moralement bonne n'est qu'une apparence trompeuse et une misère cachée.
Dans la dernière phrase, kant exprime son espoir d'une sortie de cet état chaotique des relations internationales.
Il envisage une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, c'est-à-dire une histoire qui prend en compte l'intérêt commun de l'humanité.
Il suggère que l'humanité doit s'arracher par son travail à cet état de guerre permanente, et instaurer une paix perpétuelle fondée sur le droit cosmopolitique.
Il propose donc une idée régulatrice qui oriente le sens de l'histoire vers un progrès moral.
On peut conclure que kant oppose dans ce texte la culture et la civilisation à la moralité, et qu'il montre que cette dernière dépend d'une transformation des relations internationales entre les états.
Il pose ainsi le problème du rapport entre l'histoire et la morale, et propose une idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique comme horizon possible pour l'humanité.