Cournot explore la distinction entre histoire et science en se penchant sur la maniàùre dont elles abordent les phénomàùnes temporels. il soutient que la science traite de phénomàùnes réguliers et enchaà®nés, tandis que l'histoire intervient lorsque les phénomàùnes sont dépourvus de liens nécessaires et dépendent de données historiques spécifiques pour leur compréhension.
(1801 - 1877) Antoine Augustin Cournot, économiste et mathématicien français du XIXe siècle, philosophe de la science économique. Il se démarque en introduisant des concepts mathématiques dans l'analyse économique, jetant ainsi les bases de l'économie mathématique moderne.
contingent/nécessaire
« Ce qui fait la distinction essentielle de l'histoire et de la science, ce n'est pas que l'une embrasse la succession des événements dans le temps, tandis que l'autre s'occuperait de la systématisation des phénomènes, sans tenir compte du temps dans lequel ils s'accomplissent. La description d'un phénomène dont toutes les phases se succèdent et s'enchaînent nécessairement selon des lois que font connaître le raisonnement ou l'expérience, est du domaine de la science et non de l'histoire. La science décrit la succession des éclipses, la propagation d'une onde sonore, le cours d'une maladie qui passe par des phases régulières, et le nom d'histoire ne peut s'appliquer qu'abusivement à de semblables descriptions ; tandis que l'histoire intervient nécessairement […] là où nous voyons, non seulement que la théorie, dans son état d'imperfection actuelle, ne suffit pas pour expliquer les phénomènes, mais que même la théorie la plus parfaite exigerait encore le concours d'une donnée historique. S'il n'y a pas d'histoire proprement dite là où tous les événements dérivent nécessairement et régulièrement les uns des autres, en vertu des lois constantes par lesquelles le système est régi, et sans concours accidentel d'influences étrangères au système que la théorie embrasse, il n'y a pas non plus d'histoire, dans le vrai sens du mot, pour une suite d'événements qui seraient sans aucune liaison entre eux. »
Cournot, Essai sur les fondements de la connaissance et sur les caractères de la critique philosophique
[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est la distinction essentielle entre l'histoire et la science selon l'auteur ?
2) Comment l'auteur définit-il le domaine de la science ?
3) Comment pourrait-on définir le domaine de l'histoire selon l'auteur ?
4) Quels sont les crit��res définis par l'auteur pour qu'un événement fasse partie du domaine de l'histoire plut��t que de la science ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez en vos propres mots la distinction entre l'histoire et la science selon l'auteur.
2) En vous basant sur les éléments précédents, résumez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] - Commentaire
1) Selon vous, est-il possible de trouver des exemples concrets qui illustrent la distinction entre l'histoire et la science telle que décrite par l'auteur ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la distinction entre l'histoire et la science proposée par l'auteur est pertinente.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
l'auteur cherche à définir ce qui distingue l'histoire de la science, deux formes de connaissance qui ont en commun de s'intéresser aux phénomènes qui se produisent dans le temps.
Il commence par réfuter une distinction trop simple, qui consisterait à dire que la science s'occupe de la systématisation des phénomènes, tandis que l'histoire se contente de les rapporter dans leur succession temporelle.
Il montre que cette distinction ne tient pas, car il existe des phénomènes dont la succession est régie par des lois nécessaires et constantes, et qui relèvent donc de la science et non de l'histoire.
Il donne comme exemples les éclipses, les ondes sonores ou le cours d'une maladie.
Il affirme donc que l'histoire ne peut s'appliquer qu'abusivement à de telles descriptions, qui n'ont pas besoin d'une donnée historique pour être expliquées.
Il poursuit ensuite son raisonnement en affirmant que l'histoire intervient nécessairement là où la théorie, même la plus parfaite, ne suffit pas pour rendre compte des phénomènes, mais qu'elle a besoin du concours d'une donnée historique, c'est-à-dire d'un fait contingent et singulier qui n'est pas déterminé par des lois générales.
Il suggère ainsi que l'histoire a pour objet des événements qui sont le résultat d'une combinaison complexe de causes, dont certaines sont extérieures au système que la théorie embrasse, et qui ne peuvent donc être prédits ni déduits par la seule raison ou l'expérience.
Il implique donc que l'histoire a un caractère plus aléatoire et plus imprévisible que la science, et qu'elle requiert une méthode spécifique pour interpréter les faits.
Il termine enfin son argumentation en posant une autre condition pour qu'il y ait de l'histoire, à savoir qu'il faut qu'il y ait une liaison entre les événements.
Il exclut ainsi du domaine de l'histoire une suite d'événements qui seraient sans aucune relation entre eux, et qui ne formeraient pas une trame cohérente et intelligible.
Il souligne donc que l'histoire n'est pas une simple accumulation de faits disparates, mais qu'elle vise à établir un lien de causalité ou de signification entre les événements, à les inscrire dans un contexte et à leur donner un sens.
On peut donc résumer la thèse de l'auteur en disant qu'il définit l'histoire comme une forme de connaissance qui s'intéresse aux événements contingents et liés entre eux, qui ne peuvent être expliqués par des lois nécessaires et constantes, et qui exigent le recours à une donnée historique pour être compris.
Il oppose ainsi l'histoire à la science, qui s'attache aux phénomènes réguliers et systématiques, qui peuvent être décrits par des lois générales et universelles, et qui n'ont pas besoin d'une donnée historique pour être démontrés.