Dans ce passage extrait du "traité de la nature humaine", hume expose la tendance naturelle des hommes à l'égoÂïsme et à une générosité limitée. il souligne également la fragilité des échanges altruistes, basés sur l'incertitude et la dépendance à la gratitude d'autrui, ce qui conduit souvent à l'ingratitude et à la réduction des interactions bienveillantes entre les individus.
(1711 - 1776) David Hume, philosophe écossais du XVIIIe siècle, remet en question les fondements de la connaissance humaine. Il soutient que toute notre compréhension repose sur l'expérience sensorielle et nie l'existence de concepts innés. Son œuvre majeure explore la nature de la croyance, de la causalité et de la moralité.
contingent/nécessaire
« Les hommes sont naturellement égoïstes ou doués seulement d'une générosité limitée ; aussi ne sont-ils pas aisément amenés à accomplir une action dans l'intérêt d'étrangers, sauf s'ils envisagent en retour un avantage qu'ils n'auraient aucun espoir d'obtenir autrement que par cette action. Or, comme il arrive fréquemment que ces actions réciproques ne peuvent se terminer au même instant, il est nécessaire que l'une des parties se contente de demeurer dans l'incertitude et qu'elle dépende de la gratitude de l'autre pour recevoir de la bienveillance en retour. Mais il y a tant de corruption parmi les hommes que, généralement parlant, il n'y a là qu'une faible garantie ; comme le bienfaiteur, suppose-t-on ici, accorde ses faveurs dans une vue intéressée, cette circonstance supprime l'obligation et établit un exemple d'égoïsme, et c'est la cause véritable de l'ingratitude. Si donc nous devions suivre le cours naturel de nos passions et inclinations, nous n'accomplirions que peu d'actions à l'avantage des autres sous l'influence de vues désintéressées parce que notre bienveillance et notre affection sont, par nature, très limitées ; nous n'en accomplirions que peu de ce genre sans égard à notre intérêt, parce que nous ne pouvons pas dépendre de leur gratitude. Voici donc que se perd en quelque manière le commerce de bons offices entre les hommes et que chacun se trouve réduit à sa propre habileté et à son propre travail pour son bien-être et sa subsistance. »
Hume, Traité de la nature humaine
[A] - Questions d'analyse
1) Comment l'auteur décrit-il la nature humaine dans ce texte ?
2) Quelle est la principale raison pour laquelle les hommes ne sont pas enclins à agir dans l'intérêt des autres ?
3) Comment les actions réciproques entre les hommes peuvent-elles créer de l'incertitude ?
4) Selon l'auteur, pourquoi la gratitude de l'autre partie est-elle souvent insuffisante pour garantir des faveurs en retour ?
Voici un exemple de commentaire possible du texte :
dans ce texte, hume expose sa conception pessimiste de la nature humaine et des rapports sociaux.
Il cherche à montrer que les hommes sont incapables de se faire confiance et de s'entraider sans intérêt personnel.
Il s'appuie pour cela sur des arguments empiriques et logiques, et il en tire des conséquences morales et politiques.
- dans le premier paragraphe, il pose sa thèse principale : les hommes sont naturellement égo´stes ou doués seulement d'une générosité limitée.
Il utilise le terme "naturellement" pour indiquer qu'il s'agit d'une disposition innée et universelle, qui ne dépend pas des circonstances ou de l'éducation.
Il oppose ainsi l'égo´sme à la bienveillance, qu'il considère comme une vertu rare et faible.
Il illustre son propos par un exemple : les hommes ne sont pas disposés à accomplir une action dans l'intérêt d'étrangers, sauf s'ils espèrent en tirer un bénéfice.
Il s'agit donc d'un calcul rationnel et non d'un sentiment altruiste.
Il montre ainsi que les hommes sont guidés par leur intérêt personnel, qui est le principe de leur action.
- dans le deuxième paragraphe, il examine le cas où les hommes agissent réciproquement, c'est-à-dire en échangeant des services ou des faveurs.
Il souligne la difficulté de ce type de relation, qui repose sur la confiance et la gratitude.
Il affirme que ces deux qualités sont rares et fragiles chez les hommes, qui sont corrompus par l'égo´sme.
Il explique que le bienfaiteur n'agit pas par générosité, mais par intérêt, ce qui annule l'obligation du bénéficiaire et justifie son ingratitude.
Il invoque ici un raisonnement logique, qui montre que l'égo´sme engendre l'égo´sme, et que la réciprocité est impossible à maintenir.
- dans le troisième paragraphe, il tire les conséquences de sa thèse : si les hommes suivent le cours naturel de leurs passions et inclinations, ils ne peuvent pas vivre en société.
Il résume son argumentation en reprenant les deux cas qu'il a analysés : les actions désintéressées sont trop rares pour fonder la bienveillance ; les actions intéressées sont trop incertaines pour garantir la gratitude.
Il conclut que le commerce de bons offices entre les hommes est perdu, et que chacun doit compter sur soi-même pour assurer son bien-être et sa subsistance.
Il exprime ainsi une vision pessimiste et individualiste de la condition humaine, qui remet en cause les fondements de la morale et de la politique.