Dans cet extrait de "de la démocratie en amérique", tocqueville souligne l'importance de l'autorité intellectuelle dans la formation des croyances et la recherche de la vérité. selon lui, il est nécessaire de faire confiance à certaines opinions sans les remettre en question afin de pouvoir approfondir les vérités essentielles. cependant, il met en garde contre l'esclavage de l'esprit et souligne que l'indé
(1805-1859) Interroge la légitimité de la démocratie à l'aune de la redécouverte de l'Amérique et de l'établissement de ce nouveau monde à l'aune de ce qui se fait en Europe au même moment.
croire/savoir
« Il n'y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d'autrui, et qui ne suppose beaucoup plus de vérités qu'il n'en établit. Ceci est non seulement nécessaire, mais désirable. Un homme qui entreprendrait d'examiner tout par lui-même ne pourrait accorder que peu de temps et d'attention à chaque chose ; ce travail tiendrait son esprit dans une agitation perpétuelle qui l'empêcherait de pénétrer profondément dans aucune vérité et de se fixer avec solidité dans aucune certitude. Son intelligence serait tout à la fois indépendante et débile. Il faut donc que, parmi les divers objets des opinions humaines, il fasse un choix et qu'il adopte beaucoup de croyances sans les discuter, afin d'en mieux approfondir un petit nombre dont il s'est réservé l'examen. Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d'autrui met son esprit en esclavage ; mais c'est une servitude salutaire qui permet de faire un bon usage de la liberté. Il faut donc toujours, quoi qu'il arrive, que l'autorité se rencontre quelque part dans le monde intellectuel et moral. Sa place est variable, mais elle a nécessairement une place. L'indépendance individuelle peut être plus ou moins grande ; elle ne saurait être sans bornes. Ainsi, la question n'est pas de savoir s'il existe une autorité intellectuelle dans les siècles démocratiques, mais seulement où en est le dépôt et quelle en sera la mesure. »
Tocqueville, De la Démocratie en Amérique
[A] û Questions dÆanalyse
1) Quelle est l'idée principale de l'auteur dans ce texte ?
2) Quelle est la fonction de l'autorité selon l'auteur ?
3) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que l'indépendance individuelle ne peut être sans bornes ?
4) Comment l'auteur justifie-t-il le fait que les individus adoptent des croyances sans les discuter ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Il n'y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d'autrui, et qui ne suppose beaucoup plus de vérités qu'il n'en établit."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] û Commentaire
1) Selon vous, pourquoi l'auteur affirme-t-il que l'autorité est nécessaire dans le monde intellectuel et moral ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si l'indépendance individuelle est compatible avec la recherche de la vérité.
Voici une possible analyse du texte :
dans ce texte, tocqueville défend l'idée que l'autorité intellectuelle est nécessaire et inévitable dans toute société, même démocratique, et qu'il faut savoir la reconnaître et la limiter.
Il procède par trois étapes :
- dans la première phrase, il affirme que tout philosophe, même le plus grand, doit croire à des choses qu'il n'a pas vérifiées par lui-même, et qu'il se fonde sur la foi en autrui.
Il s'agit d'une concession à l'idéal de l'autonomie de la raison, qui voudrait que chacun examine tout par sa propre pensée.
Il reconnaît que ce n'est pas possible, et que cela implique une certaine dépendance à l'égard de l'autorité des autres.
- dans la deuxième phrase, il montre que cette dépendance n'est pas seulement une contrainte, mais aussi un avantage.
Il explique que si un homme voulait tout examiner par lui-même, il ne pourrait pas approfondir aucune vérité ni se fixer dans aucune certitude.
Il serait dans un état d'agitation et de faiblesse intellectuelle.
Il faut donc accepter de croire à certaines choses sans les discuter, pour se réserver le temps et l'attention nécessaires à l'examen d'un petit nombre d'autres.
Il s'agit d'un argument pragmatique, qui vise à montrer que la confiance en l'autorité est une condition de l'efficacité de la raison.
- dans la troisième phrase, il tire la conséquence de son raisonnement : il faut admettre qu'il existe toujours une autorité intellectuelle dans le monde, quelle que soit la forme du régime politique.
Il reconnaît que cette autorité peut varier selon les époques et les lieux, mais qu'elle ne peut pas être supprimée.
Il s'agit d'une thèse réaliste, qui s'oppose à l'illusion d'une indépendance absolue de l'esprit humain.
Il pose alors la question de savoir où se trouve le dépôt de cette autorité et quelle en est la mesure, c'est-à-dire comment la reconnaître et la limiter.
Ainsi, tocqueville propose une réflexion sur le rapport entre la raison et l'autorité, qui tient compte des limites et des besoins de l'esprit humain.
Il invite à trouver un équilibre entre la confiance en autrui et le jugement personnel, entre la servitude salutaire et la liberté critique.