Dans cet extrait tiré des "essais sceptiques", russell explore les deux facettes de la science. d'un càïté, elle offre des plaisirs intellectuels et la possibilité de manipuler notre environnement, tandis que de l'autre, elle introduit un déterminisme qui semble restreindre la puissance humaine. malgré les tentatives de rejeter cette limitation, russell souligne que nous ne pouvons pas séparer les aspects agréables et désagréables de la science.
contingent/nécessaire
« La science, telle qu'elle existe actuellement, est en partie agréable et en partie désagréable. Elle est agréable par la puissance qu'elle nous donne de manier notre milieu, et, pour une petite mais importante minorité, elle est agréable parce qu'elle lui fournit des satisfactions intellectuelles. Elle est désagréable, car, quels que soient les moyens par lesquels nous cherchons à cacher ce fait, elle admet un déterminisme qui implique, théoriquement, le pouvoir de prédire les actions humaines ; et, par là, elle semble diminuer la puissance de l'homme. Bien entendu, les gens désirent garder l'aspect agréable de la science tout en rejetant son aspect désagréable ; mais jusqu'ici ces tentatives ont échoué. Si nous insistons sur le fait que notre croyance en la causalité et en l'induction est irrationnelle, nous devons en déduire que nous ne savons pas si la science est vraie et qu'elle peut, à chaque moment, cesser de nous donner la domination sur le milieu pour lequel nous l'aimons. C'est d'ailleurs une alternative purement théorique ; un homme moderne ne peut pas l'adopter dans sa vie pratique. Si, d'autre part, nous reconnaissons les exigences de la méthode scientifique, nous devons conclure inévitablement que la causalité et l'induction s'appliquent à la volonté humaine aussi bien qu'à n'importe quelle autre chose. Tout cela arriva durant le XXème siècle en physique, en physiologie, et la psychologie va encore affermir cette conclusion. Ce qui résulte de ces considérations, c'est que, malgré l'insuffisance théorique de la justification rationnelle de la science, il n'y a pas moyen de sauvegarder le côté agréable de la science sans en accepter le côté désagréable. »
Russell, Essais sceptiques
[A] û Questions d'analyse
1) Quelle est la perception de l'auteur concernant la science telle qu'elle existe actuellement ?
2) Que signifie le terme "déterminisme" dans le contexte du texte ?
3) Comment l'auteur décrit-il le dilemme entre l'aspect agréable et désagréable de la science ?
4) Comment la science affecte-t-elle la puissance de l'homme selon l'auteur ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Si nous insistons sur le fait que notre croyance en la causalité et en l'induction est irrationnelle, nous devons en déduire que nous ne savons pas si la science est vraie et qu'elle peut, à chaque moment, cesser de nous donner la domination sur le milieu pour lequel nous l'aimons."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] û Commentaire
1) Selon l'auteur, pourquoi est-il difficile de concilier l'aspect agréable et désagréable de la science ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si les dilemmes évoqués par l'auteur sont toujours d'actualité dans le domaine de la science et de la philosophie de la connaissance. Justifiez votre réponse.
Voici un exemple de développement possible :
l'auteur du texte, russell, s'interroge sur le rapport entre la science et la liberté humaine.
Il expose les avantages et les inconvénients de la science, et montre qu'il n'y a pas de solution facile pour concilier les deux.
- il commence par affirmer que la science est "en partie agréable et en partie désagréable".
Il explique que la science est agréable par la puissance qu'elle nous donne de manier notre milieu, c'est-à-dire de transformer la nature selon nos besoins et nos désirs, et par les satisfactions intellectuelles qu'elle procure à ceux qui la pratiquent.
Il reconnaît donc que la science est une source de progrès et de connaissance.
- mais il ajoute aussitôt que la science est désagréable, car elle implique un déterminisme qui réduit la liberté humaine.
Il s'appuie sur le fait que la science repose sur la causalité et l'induction, c'est-à-dire sur le principe selon lequel tout phénomène a une cause et que l'on peut généraliser à partir de l'observation des faits.
Il en déduit que la science pourrait, en théorie, prédire les actions humaines, et donc les contrôler.
Il souligne ainsi que la science pose un problème éthique et politique.
- il constate ensuite que les gens voudraient garder l'aspect agréable de la science tout en rejetant son aspect désagréable, mais que ces tentatives ont échoué.
Il envisage deux alternatives possibles : soit on remet en cause la rationalité de la science, mais alors on perd sa valeur de vérité et sa capacité à nous donner la domination sur le milieu ; soit on accepte la méthode scientifique, mais alors on doit admettre que la causalité et l'induction s'appliquent aussi à la volonté humaine.
Il montre que ces deux alternatives sont insatisfaisantes : la première est irréaliste, car un homme moderne ne peut pas se passer de la science dans sa vie pratique ; la seconde est inacceptable, car elle nie la liberté humaine.
- il conclut donc que, malgré l'insuffisance théorique de la justification rationnelle de la science, il n'y a pas moyen de sauvegarder le côté agréable de la science sans en accepter le côté désagréable.
Il exprime ainsi son scepticisme face à la possibilité de concilier la science et la liberté humaine.