• Freud
La nécessité de l'interdit du meurtre pour la vie en société
justice - raison



Le contexte :

Dans cet extrait de "l'avenir d'une illusion", freud explore la raison pour laquelle l'interdiction de tuer est nécessaire pour la vie en société. il met en avant le fait que cette interdiction permet d'éviter une spirale de violence et de représailles, assurant ainsi la sécurité de tous. freud remet également en question l'attribution de cette interdiction à  dieu, soulignant qu'elle repose en réalité sur des motivations sociales.

L' auteur :

Freud

(1859-1939) Avance l'idée que la conscience n'est pas, comme le pensait Descartes, une machine à enregistrer toutes les informations. Au contraire, elle va refouler dans une partie plus profonde et hors de l'aperception d'elle-même des souvenirs.

Le repère :

contingent/nécessaire

Le texte :

« Lorsque la civilisation instaura le commandement de ne pas tuer le voisin que l'on hait, qui vous gêne ou dont on convoite le bien, ce fut manifestement dans l'intérêt de la vie des hommes en communauté, qui sinon eût été impraticable. Car le meurtrier attirerait sur lui la vengeance des proches de la victime et la sourde envie des autres, lesquels éprouvent intérieurement tout autant de penchant pour une telle violence. Il ne jouirait donc pas longtemps de sa vengeance ou de son rapt, il aurait toute chance d'être bientôt abattu à son tour. Même si une force et une prudence extraordinaires le mettaient à l'abri d'un adversaire isolé, il ne pourrait que succomber face à l'association de plus faibles. Si une telle association ne se constituait pas, les meurtres se poursuivraient indéfiniment et la fin serait que les hommes s'extermineraient mutuellement. […] Le même danger pour tous quant à la sécurité de leur vie unit dès lors les hommes en une société qui interdit de tuer et se réserve le droit de mettre à mort en commun celui qui enfreint cet interdit. C'est alors la justice et le châtiment. Mais cette justification rationnelle de l'interdit du meurtre, nous n'en faisons pas état, nous prétendons que c'est Dieu qui a prononcé l'interdit. Ainsi, nous nous faisons fort de deviner ses intentions et nous trouvons que lui non plus ne veut pas que les hommes s'exterminent les uns les autres. En procédant de la sorte, nous habillons l'interdit civilisationnel d'une solennité toute particulière, mais nous risquons par là même de faire dépendre son respect de la foi en Dieu. Si nous revenons sur cette démarche, si nous n'attribuons plus indûment notre volonté à Dieu et si nous nous en tenons à la justification sociale, nous aurons certes renoncé à transfigurer l'interdit civilisationnel, en revanche nous aurons aussi évité qu'il soit mis en danger. »
Freud, L'Avenir d'une illusion

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Quel était l'objectif de la civilisation lorsqu'elle a instauré l'interdiction de tuer, selon l'auteur ?
2) En quoi le meurtre aurait-il rendu la vie en communauté impraticable, selon l'auteur ?
3) Comment l'auteur explique-t-il que le meurtrier ne pourrait pas jouir longtemps de sa vengeance ?
4) Quelle serait la conséquence si aucune association ne se constituait pour interdire le meurtre, d'apr��s l'auteur ?

[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez la relation entre l'interdiction du meurtre et la possibilité de vie en communauté selon Freud.
2) En vous basant sur les arguments de l'auteur, dégagez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

[C] û Commentaire
1) Selon vous, quelle est l'importance de la justification sociale de l'interdiction du meurtre par rapport à son attribution à Dieu, comme l'évoque Freud ?
2) À la lumi��re de vos connaissances en philosophie et en sociologie, discutez de l'effet potentiel de la croyance en Dieu sur le respect de l'interdiction du meurtre.

L'analyse :

Voici un possible développement de l'analyse du texte : le texte de freud porte sur l'origine et la justification de l'interdit du meurtre dans la civilisation.

Il s'agit d'un texte argumentatif qui vise à montrer que cet interdit repose sur un fondement rationnel et social, et non sur une volonté divine.

L'auteur procède en trois étapes : il expose d'abord le motif initial de l'interdit, puis il critique la conception religieuse de celui-ci, et enfin il défend la conception la´que.



- dans le premier paragraphe, freud explique que l'interdit du meurtre a été instauré dans l'intérêt de la vie des hommes en communauté, qui serait menacée par la violence anarchique et réciproque des individus.

Il s'appuie sur un raisonnement hypothético-déductif qui part d'un scénario imaginaire où le meurtre serait permis, et qui en déduit les conséquences néfastes pour la survie de l'espèce humaine.

Il montre ainsi que le meurtrier ne pourrait pas jouir longtemps de son acte, car il serait exposé à la vengeance des proches de la victime, à l'envie des autres, ou à l'association des plus faibles.

Il conclut que les hommes se seraient exterminés mutuellement si un tel interdit n'avait pas été établi.

L'enjeu de cette première étape est de démontrer que l'interdit du meurtre repose sur une nécessité vitale et sociale, et non sur une morale arbitraire ou subjective.



- dans le deuxième paragraphe, freud critique la conception religieuse de l'interdit du meurtre, selon laquelle il aurait été prononcé par dieu.

Il s'appuie sur une argumentation par l'absurde qui consiste à montrer les inconvénients ou les contradictions d'une thèse adverse.

Il souligne ainsi que cette conception implique de prétendre connaître les intentions de dieu, ce qui est présomptueux et incertain.

Il ajoute que cette conception rend le respect de l'interdit dépendant de la foi en dieu, ce qui est dangereux et fragile.

L'enjeu de cette deuxième étape est de dénoncer l'illusion religieuse qui habille l'interdit civilisationnel d'une solennité particulière, mais qui le met aussi en péril.



- dans le troisième paragraphe, freud défend la conception la´que de l'interdit du meurtre, selon laquelle il repose sur une justification sociale.

Il s'appuie sur une argumentation par les conséquences qui consiste à montrer les avantages ou les bénéfices d'une thèse favorable.

Il affirme ainsi que cette conception permet de renoncer à transfigurer l'interdit civilisationnel, c'est-à-dire de le débarrasser des oripeaux religieux qui le dénaturent ou le falsifient.

Il ajoute que cette conception permet aussi d'éviter qu'il soit mis en danger, c'est-à-dire de le préserver des remises en cause ou des contestations qui pourraient naître du doute ou de la critique religieuse.

L'enjeu de cette troisième étape est de promouvoir la raison sociale comme fondement légitime et solide de l'interdit du meurtre.

En conclusion, le texte de freud propose une analyse rationnelle et critique de l'interdit du meurtre dans la civilisation.

Il montre que cet interdit répond à une exigence vitale et sociale, qu'il n'a pas besoin d'être fondé sur une autorité divine, et qu'il gagne au contraire à être reconnu comme une création humaine.

Il invite ainsi à dépasser l'illusion religieuse et à assumer la responsabilité morale des hommes dans leur vie en communauté.