• Schopenhauer
L'art de gouverner : concilier force et droit
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Le contexte :

Schopenhauer aborde dans ce texte la question de l'art de gouverner en mettant en avant la nécessité de concilier la force et le droit. il souligne la difficulté de maintenir l'ordre et la paix face à  l'égoÂïsme et la haine présents chez les individus, et affirme que seule la force physique peut se faire respecter. cependant, il insiste sur l'importance de soumettre cette force à  l'intelligence et à  la supériorité

L' auteur :

Schopenhauer

(1788-1860) Philosophe allemand influent, célèbre pour sa vision pessimiste de la vie. Il a développé une métaphysique basée sur la volonté et la représentation, affirmant que la souffrance est inévitable. Il a également exploré les notions de la volonté de vivre et la recherche du bonheur à travers la philosophie de l'art.

Le repère :

en fait/en droit

Le texte :

« Le droit en lui-même est impuissant ; par nature règne la force. Le problème de l'art de gouverner, c'est d'associer la force et le droit afin qu'au moyen de la force, ce soit le droit qui règne. Et c'est un problème difficile si l'on songe à l'égoïsme illimité logeant dans presque chaque poitrine humaine, auquel s'ajoute le plus souvent un fonds accumulé de haine et de méchanceté, de sorte qu'originellement l'inimitié l'emporte de beaucoup sur l'amitié. Et il ne faut pas oublier que ce sont plusieurs millions d'individus constitués ainsi qu'il s'agit de maintenir dans les limites de l'ordre, de la paix, du calme et de la légalité, alors qu'au départ chacun a le droit de dire à l'autre : �oeJe vaux bien autant que toi !”. Tout bien pesé, on peut être surpris qu'en général le monde suive son cours de façon aussi paisible et tranquille, légale et ordonnée, comme nous le voyons ; seule la machine de l'État produit ce résultat. En effet, il n'y a que la force physique qui puisse avoir un effet immédiat. Constitués comme ils le sont en général, c'est par elle seule que les hommes sont impressionnés, et pour elle seule qu'ils ont du respect. Si pour s'en convaincre par expérience on supprimait toute contrainte et si l'on leur demandait de la façon la plus claire et la plus persuasive d'être raisonnables, justes et bons, mais d'agir contrairement à leurs intérêts, l'impuissance des seules forces morales deviendrait évidente et la réponse à notre attente serait le plus souvent un rire de mépris. La force physique est donc la seule capable de se faire respecter. Mais cette force réside originellement dans la masse, où elle est associée à l'ignorance, à l'injustice et à la stupidité. Dans des conditions aussi difficiles, la première tâche de l'art de gouverner est de soumettre la force physique à l'intelligence, à la supériorité intellectuelle, et de les leur rendre utile. »
Schopenhauer, Parerga et Paralipomena

Les questions :



[a] - Questions d'analyse :
1) Quelle est la relation entre le droit et la force mentionnée dans le texte ?
2) Qu'est-ce que l'égo��sme illimité selon le texte ?
3) Comment l'inimitié est-elle décrite dans le texte ?
4) Quelle est la fonction de la machine de l'État dont il est question dans le texte ?

[b] - Éléments de synth��se :
1) Expliquez la phrase : "Le probl��me de l'art de gouverner, c'est d'associer la force et le droit afin qu'au moyen de la force, ce soit le droit qui r��gne."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[c] - Commentaire :
1) Selon vous, pourquoi la force physique est-elle si importante dans la gouvernance ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la force physique est toujours justifiée dans l'exercice du pouvoir.

L'analyse :



- le texte traite du problème de l'art de gouverner, c'est-à-dire de la façon dont il faut organiser la société humaine pour assurer l'ordre et la justice.

L'auteur expose sa thèse dès la première phrase : le droit, qui est l'expression de la raison et de la morale, est impuissant face à la force, qui est le principe naturel qui régit les rapports humains.

Il faut donc trouver un moyen d'associer la force et le droit, de façon à ce que la force serve le droit et non l'inverse.

Cette thèse s'oppose à l'idée que le droit puisse suffire à lui-même pour réguler la société, ou que la force puisse se passer du droit pour être légitime.



- pour étayer sa thèse, l'auteur procède à une analyse psychologique de la nature humaine, qu'il présente comme égo´ste, haineuse et méchante.

Il en déduit que les hommes sont naturellement hostiles les uns aux autres, et qu'ils n'ont pas de respect pour la raison, la justice et la bonté, qui sont contraires à leurs intérêts.

Il illustre son propos par une expérience de pensée : si l'on supprimait toute contrainte et que l'on demandait aux hommes d'être raisonnables, justes et bons, ils se moqueraient de nous et agiraient selon leur bon plaisir.

L'auteur utilise donc des arguments fondés sur l'observation des faits et sur le raisonnement logique pour appuyer sa vision pessimiste de l'humanité.



- face à cette situation, l'auteur affirme que la seule solution est d'utiliser la force physique, qui est le seul moyen d'impressionner les hommes et de les faire obéir.

Mais il reconnaît que cette force est originellement détenue par la masse, qui est ignorante, injuste et stupide.

Il faut donc que l'art de gouverner parvienne à soumettre la force physique à l'intelligence, à la supériorité intellectuelle, et à les rendre utiles au droit.

L'auteur ne précise pas comment réaliser cette soumission, mais il laisse entendre qu'elle implique une forme d'autorité éclairée, capable de diriger la masse selon les principes du droit.

L'auteur conclut donc son texte en réaffirmant sa thèse initiale, tout en reconnaissant sa difficulté pratique.