• Bergson
L'équilibre fragile entre la nature sensible et la vie en société
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Le contexte :

Dans cet extrait, bergson aborde le conflit entre les instincts humains et les normes sociales. il souligne la nécessité pour l'homme de vivre en société et de se conformer à  des ràùgles, malgré les pulsions intérieures qui cherchent à  s'exprimer. il compare cette tension à  une couche superficielle qui recouvre les passions individuelles, mais qui peut être ébranlée par des

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

contingent/nécessaire

Le texte :

« Si l'homme s'abandonnait au mouvement de sa nature sensible, s'il n'y avait ni loi sociale ni loi morale, ces explosions de sentiments violents seraient l'ordinaire de la vie. Mais il est utile que ces explosions soient conjurées. Il est nécessaire que l'homme vive en société, et s'astreigne par conséquent à une règle. Et ce que l'intérêt conseille, la raison l'ordonne : il y a un devoir, et notre destination est d'y obéir. Sous cette double influence a dû se former pour le genre humain une couche superficielle de sentiments et d'idées qui tendent à l'immutabilité , qui voudraient du moins être communs à tous les hommes, et qui recouvrent, quand ils n'ont pas la force de l'étouffer, le feu intérieur des passions individuelles. Le lent progrès de l'humanité vers une vie sociale de plus en plus pacifiée a consolidé cette couche peu à peu, comme la vie de notre planète elle-même a été un long effort pour recouvrir d'une pellicule solide et froide la masse ignée  des métaux en ébullition. Mais il y a des éruptions volcaniques. Et si la terre était un être vivant, comme le voulait la mythologie, elle aimerait peut-être, tout en se reposant, rêver à ces explosions brusques où tout à coup elle se ressaisit dans ce qu'elle a de plus profond. »
Bergson, Le Rire

Les questions :



[A] - Questions d'analyse :
1) Quelles seraient les conséquences si l'homme se laissait aller au mouvement de sa nature sensible, sans aucune contrainte sociale ou morale ?
2) Que signifie le fait que les explosions de sentiments violents soient conjurées ?
3) Comment l'homme peut-il vivre en société selon l'auteur ?
4) Quelle est la relation entre l'intérêt, la raison et le devoir selon le texte ?

[B] - Éléments de synth��se :
1) Expliquez la signification de l'expression "une couche superficielle de sentiments et d'idées qui tendent à l'immutabilité".

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte : l'auteur cherche à expliquer le phénomène du rire en le comparant à une éruption volcanique.

Il part de l'hypothèse que l'homme a une nature sensible qui le pousse à exprimer des sentiments violents, mais qu'il doit les réprimer pour vivre en société.

Il distingue alors deux niveaux de la vie humaine : une couche superficielle de sentiments et d'idées conformes à la loi sociale et morale, et un feu intérieur de passions individuelles.

Il montre que le progrès de l'humanité vers la paix a renforcé la première couche, mais que la seconde n'a pas disparu et peut se manifester par des explosions imprévues.

Il compare cette situation à celle de la terre, qui a une masse ignée sous une pellicule solide et froide, et qui connaît des éruptions volcaniques.

Il suggère enfin que ces éruptions sont peut-être le signe d'une vitalité profonde, que la terre, si elle était vivante, aimerait rêver.

Pour appuyer son raisonnement, l'auteur utilise plusieurs procédés :

- il oppose les termes "sensible" et "raison", "intérêt" et "devoir", "immutabilité" et "évolution", "superficiel" et "profond", "froid" et "chaud", pour mettre en évidence la dualité de la nature humaine et les tensions qui l'animent.



- il emploie des expressions comme "s'il n'y avait ni loi sociale ni loi morale", "il est utile", "il est nécessaire", "notre destination est d'y obéir", pour souligner le caractère impératif et contraignant des règles sociales et morales qui s'imposent à l'homme.



- il utilise des métaphores comme "une couche superficielle", "le feu intérieur", "une pellicule solide et froide", "la masse ignée", pour rendre sensible l'image de la terre comme un être vivant, et pour établir un parallèle entre les phénomènes géologiques et les phénomènes psychologiques.



- il recourt à des termes comme "explosions", "éruptions", "ressaisir", "rêver", pour exprimer l'idée d'un débordement soudain et irrésistible des passions, qui rompt avec l'ordre établi et révèle une force vitale.

L'enjeu de ce texte est de proposer une interprétation originale du rire, en le présentant comme un phénomène naturel et spontané, qui témoigne d'une résistance de la vie à la rigidité des conventions.

L'auteur invite ainsi le lecteur à réfléchir sur le sens du rire, sur sa valeur sociale et morale, sur sa relation avec la liberté et la créativité.