(1724-1804) Consacre toute son œuvre philosophique à établir les limites dans lesquelles la raison est légitime. Il va lutter contre les doctrines métaphysiques et recentrer la raison sur des connaissances plus certaines (mathématiques, physiques etc.)
légal/légitime
« J'avoue ne pas pouvoir me faire très bien à cette expression dont usent aussi des hommes avisés : un certain peuple (en train d'élaborer sa liberté légale n'est pas mûr pour la liberté ; les serfs d'un propriétaire terrien ne sont pas encore mûrs pour la liberté ; et de même aussi, les hommes ne sont pas encore mûrs pour la liberté de croire. Dans une hypothèse de ce genre, la liberté ne se produira jamais ; car on ne peut pas mûrir pour la liberté, si l'on n'a pas été mis au préalable en liberté (il faut être libre pour pouvoir se servir utilement de ses forces dans la liberté). Les premiers essais en seront sans doute grossiers, et liés d'ordinaire à une condition plus pénible et plus dangereuse que lorsqu'on se trouvait encore sous les ordres, mais aussi sous la prévoyance d'autrui ; cependant jamais on ne mûrit pour la raison autrement que grâce à ses tentatives personnelles (qu'il faut être libre de pouvoir entreprendre). Je ne fais pas d'objection à ce que ceux qui détiennent le pouvoir renvoient encore loin, bien loin, obligés par les circonstances, le moment d'affranchir les hommes de ces trois chaînes. Mais, ériger en principe que la liberté ne vaut rien d'une manière générale pour ceux qui leur sont assujettis et qu'on ait le droit de les en écarter toujours, c'est là une atteinte aux droits régaliens de la divinité elle-même qui a créé l'homme pour la liberté. Il est plus commode évidemment de régner dans l'État, la famille et l'Eglise quand on peut faire aboutir un pareil principe. Mais est-ce aussi plus juste ? »
Kant, La Religion dans les limites de la simple raison
[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est l'expression à laquelle l'auteur ne parvient pas à s'habituer et utilisée par des hommes avisés ?
2) Que signifie l'expression "un certain peuple n'est pas m��r pour la liberté" ?
3) Comment l'auteur explique-t-il le fait que les serfs d'un propriétaire terrien ne sont pas encore m��rs pour la liberté ?
4) Quelle est la condition préalable pour pouvoir se servir utilement de ses forces dans la liberté, selon l'auteur ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Pouvez-vous expliquer la phrase "il faut être libre pour pouvoir se servir utilement de ses forces dans la liberté" ?
2) En vous appuyant sur les éléments précédents, pouvez-vous dégager l'idée principale du texte ainsi que les étapes de l'argumentation de l'auteur ?
[C] - Commentaire
1) Selon vous, l'auteur remet-il en question l'idée que certains peuples ne sont pas encore m��rs pour la liberté ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si l'auteur consid��re que la liberté est un droit fondamental de l'homme.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
le texte de kant est un extrait de son ouvrage la religion dans les limites de la simple raison, publié en 1793, dans le contexte de la révolution française et des lumières.
Il s'agit d'un texte argumentatif qui défend l'idée que la liberté est un droit naturel et inaliénable de l'homme, et que toute tentative de le priver de ce droit est injuste et contraire à la volonté divine.
Kant s'oppose ainsi à l'expression "n'est pas m¹r pour la liberté", qu'il juge abusive et dangereuse.
- dans le premier paragraphe, kant expose le problème qu'il veut résoudre : comment peut-on affirmer qu'un peuple, des serfs ou des hommes en général ne sont pas prêts pour la liberté ? il s'agit d'une question rhétorique qui vise à montrer l'absurdité et la contradiction de cette affirmation.
En effet, kant soutient que la liberté est une condition nécessaire pour le développement de la raison, et non pas un résultat de ce développement.
Il utilise pour cela une comparaison : on ne peut pas m¹rir pour la liberté, si l'on n'a pas été mis au préalable en liberté, comme on ne peut pas apprendre à nager sans se jeter à l'eau.
Il reconnaît que les premiers essais de liberté peuvent être difficiles et risqués, mais il affirme que c'est le seul moyen de progresser vers la raison.
Il s'appuie sur le concept de "tentatives personnelles", qui implique l'autonomie et la responsabilité de l'individu.
Il s'agit donc d'un argument fondé sur la logique et sur l'expérience.
- dans le deuxième paragraphe, kant passe à la critique des détenteurs du pouvoir, qu'il accuse de vouloir maintenir les hommes dans la dépendance et l'ignorance.
Il oppose ainsi le point de vue des dominants et celui des dominés, en utilisant des termes péjoratifs comme "assujettis" ou "chaînes" pour dénoncer l'oppression.
Il fait également appel à l'autorité divine, en affirmant que priver les hommes de liberté est une "atteinte aux droits régaliens de la divinité elle-même".
Il s'agit d'un argument fondé sur la morale et sur la foi.
Il souligne ensuite le contraste entre la commodité et la justice, en montrant que le pouvoir repose sur un principe égo´ste et arbitraire, qui ne respecte pas la dignité humaine.
Il s'agit d'un argument fondé sur les valeurs et sur le sentiment.
- on peut donc conclure que kant défend dans ce texte une conception de la liberté comme droit naturel et universel, qui ne dépend pas du degré de maturité ou de raison des hommes, mais qui au contraire les rend capables de m¹rir et de raisonner.
Il utilise pour cela différents types d'arguments, qui font appel à la logique, à l'expérience, à la morale, à la foi, aux valeurs et au sentiment.
Il s'inscrit ainsi dans le mouvement des lumières, qui revendique l'émancipation des hommes par la raison et le progrès.