• Merleau-Ponty
Les limites de la perception historique
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L' auteur :

Merleau-Ponty

(1908 - 1961) Maurice Merleau-Ponty, philosophe phénoménologue du XXe siècle, met en lien la perception, la corporéité et la relation entre le corps et l'esprit. Son œuvre explore la manière dont nous appréhendons le monde à travers nos sens et notre expérience corporelle, et remet en question les conceptions dualistes traditionnelles.

Le repère :

contingent/nécessaire

Le texte :

« Fabrice  voudrait voir la bataille de Waterloo comme on voit un paysage et il ne trouve rien que des épisodes confus. L'Empereur sur sa carte l'aperçoit-il vraiment ? Mais elle se réduit pour lui à un schéma non sans lacunes : pourquoi ce régiment piétine-t-il ? Pourquoi les réserves n'arrivent-elles pas ? L'historien qui n'est pas engagé dans la bataille et la voit de partout, qui réunit une multitude de témoignages et qui sait comment elle a fini, croit enfin l'atteindre dans sa vérité. Mais ce n'est qu'une représentation qu'il nous en donne, il n'atteint pas la bataille même, puisque, au moment où elle a eu lieu, l'issue en était contingente, et qu'elle ne l'est plus quand l'historien la raconte, puisque les causes profondes de la défaite et les incidents fortuits qui leur ont permis de jouer étaient, dans l'événement singulier de Waterloo, déterminants au même titre, et que l'historien replace l'événement singulier dans la ligne générale du déclin de l'Empire. Le vrai Waterloo n'est ni dans ce que Fabrice, ni dans ce que l'Empereur, ni dans ce que l'historien voient, ce n'est pas un objet déterminable, c'est ce qui advient aux confins de toutes les perspectives et sur quoi elles sont toutes prélevées. »
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Quel est le point de vue de Fabrice sur la bataille de Waterloo ?
2) Comment l'Empereur perçoit-il la bataille de Waterloo ?
3) Comment l'historien approche-t-il la bataille de Waterloo ?
4) Quelle est la différence entre la représentation de l'historien et la réalité de la bataille de Waterloo ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez le sens de l'expression "le vrai Waterloo".
2) En vous appuyant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

L'analyse :

Voici un exemple de développement possible : dans ce texte, merleau-ponty s'interroge sur la possibilité de connaître la vérité historique à partir de différents points de vue.

Il prend l'exemple de la bataille de waterloo et montre que chacun des acteurs ou observateurs de cet événement n'en a qu'une vision partielle et subjective.



- il commence par évoquer le cas de fabrice, un personnage du roman la chartreuse de parme de stendhal, qui assiste à la bataille sans la comprendre.

Fabrice voudrait avoir une vision globale et objective du combat, mais il ne perçoit que des "épisodes confus" qui ne lui permettent pas de saisir le sens et l'issue de l'affrontement.

Il est trop proche des faits pour en avoir une vue d'ensemble.



- il passe ensuite au cas de l'empereur, c'est-à-dire napoléon, qui dirige la bataille depuis son quartier général.

L'empereur dispose d'une carte qui lui donne une représentation schématique du champ de bataille, mais cette carte est incomplète et imprécise.

Elle ne rend pas compte de tous les mouvements des troupes, des obstacles du terrain, des aléas du combat.

L'empereur est trop loin des faits pour en avoir une vue détaillée.



- il termine par le cas de l'historien, qui n'est pas présent sur le lieu de la bataille, mais qui la reconstitue a posteriori à partir de sources diverses.

L'historien croit avoir une vision plus complète et plus vraie que les deux précédents, car il connaît le résultat final et les causes profondes de la défaite de napoléon.

Mais il ne fait que proposer une interprétation rétrospective et téléologique de l'événement, qui ne correspond pas à la réalité vécue par les acteurs.

L'historien est trop après les faits pour en avoir une vue contingente.

Merleau-ponty conclut que le "vrai waterloo" n'est accessible à aucun de ces points de vue, car il n'est pas un objet déterminable, mais un événement singulier qui se produit à la jonction de toutes les perspectives.

Chaque perspective n'en capte qu'un aspect, mais aucune ne peut prétendre à l'exhaustivité ou à l'objectivité.

La vérité historique est donc relative et phénoménale, elle dépend du rapport que chacun entretient avec l'événement.