Dans cet extrait de l'essai sur l'entendement humain, locke remet en question la recherche du souverain bien et souligne la relativité du bonheur. selon lui, les plaisirs et les sources de bonheur varient d'un individu à l'autre, rendant ainsi impossible la définition universelle du bonheur.
(1632-1704) Philosophe du mouvement de l'empirisme anglais, qui stipule que toute connaissance dérive par nature de l'expérience. Toute sa philosophie fait découler des implications pratiques à partir de ce constat.
objectif/subjectif/intersubjectif
« Les esprits aussi bien que les palais diffèrent dans leur goût ; et vous chercherez avec autant d'efficacité à faire aimer par tous les hommes les richesses et la gloire (où certains mettent pourtant leur bonheur), que vous ne comblerez la faim de tous avec du fromage ou du homard : bien que ce soient pour certains des mets fort agréables et délicieux, ils sont pour d'autres repoussants et écūurants ; beaucoup préféreraient avec raison les protestations d'un ventre affamé à ces plats qui pour d'autres sont des festins. De là vient, je pense, que les anciens philosophes ont en vain cherché si le souverain bien était constitué par les richesses, par les plaisirs physiques, par la vertu ou par la contemplation ; il aurait été aussi raisonnable de discuter sur le fruit (la pomme, la prune ou la noix) dont la saveur est la meilleure et de se diviser en clans d'après ce critère. Car de même que les goûts agréables ne dépendent pas des choses mêmes mais de leur convenance à tel ou tel palais particulier (ce qui peut varier considérablement), de même le plus grand bonheur consiste dans la jouissance de ces choses qui produisent le plus grand plaisir, et dans l'absence de celles qui produisent du trouble ou de la douleur ; et pour des personnes différentes, ce sont des choses très différentes. »
Locke, Essai sur l'entendement humain (1690)
[A] û Questions dÆanalyse
1) En quoi les esprits sont-ils comparables aux palais selon l'auteur ?
2) Quels sont les mets mentionnés dans le texte et pourquoi peuvent-ils être agréables pour certains et répugnants pour d'autres ?
3) Pourquoi les anciens philosophes n'ont-ils pas réussi à déterminer ce qui constitue le souverain bien ?
4) Comment peut-on définir le plus grand bonheur selon l'auteur ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi la diversité des go�ts peut être comparée à la diversité des esprits et des palais.
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] û Commentaire
1) Selon l'auteur, pourquoi les anciens philosophes n'ont pas réussi à déterminer le souverain bien ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si le bonheur peut être universellement défini. Justifiez votre réponse.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
dans ce texte, locke s'interroge sur la notion de bonheur et sur la diversité des go¹ts humains.
Il soutient que le bonheur n'est pas une réalité objective et universelle, mais qu'il dépend de la sensibilité et des préférences de chacun.
Il critique ainsi les philosophes qui ont cherché à définir le souverain bien comme un idéal commun à tous les hommes.
Pour appuyer sa thèse, locke utilise plusieurs procédés argumentatifs :
- il commence par une comparaison entre les esprits et les palais, qui illustre l'idée que les hommes ont des go¹ts différents et que ce qui plaît à certains peut déplaire à d'autres.
Il prend l'exemple du fromage et du homard, qui sont des aliments appréciés par certains mais répugnants pour d'autres.
Il en déduit que le bonheur ne peut pas être réduit à la possession de biens matériels ou à la recherche de la gloire, qui sont des valeurs relatives et contingentes.
- il poursuit par une critique des anciens philosophes, qu'il accuse d'avoir cherché en vain le souverain bien dans les richesses, les plaisirs physiques, la vertu ou la contemplation.
Il compare leur démarche à une dispute sur le fruit dont la saveur est la meilleure, ce qui montre l'absurdité et l'inutilité de leur quête.
Il suggère que le bonheur n'est pas une essence fixe et immuable, mais qu'il varie selon les individus et les circonstances.
- il termine par une définition du bonheur comme la jouissance de ce qui produit le plus grand plaisir et l'absence de ce qui produit du trouble ou de la douleur.
Il précise que ces choses sont très différentes pour des personnes différentes, ce qui confirme son relativisme moral.
Il affirme ainsi que le bonheur est une affaire personnelle et subjective, qui ne relève pas de la raison mais de la sensibilité.
Les enjeux de ce texte sont multiples :
- sur le plan épistémologique, locke remet en cause la possibilité d'une connaissance universelle et objective du bien, qui serait fondée sur la raison.
Il adopte une position empiriste, qui reconnaît le rôle de l'expérience sensible dans la formation des idées et des jugements.
- sur le plan éthique, locke défend une conception individualiste et hédoniste du bonheur, qui repose sur la satisfaction des désirs et des inclinations de chacun.
Il rejette toute norme morale imposée par une autorité extérieure ou par une tradition.
- sur le plan politique, locke se situe dans le contexte de la révolution anglaise, qui a renversé le pouvoir absolu du roi au nom des droits naturels des citoyens.
Il prône une tolérance religieuse et une liberté de conscience, qui respectent la diversité des opinions et des croyances.