Dans ce texte, merleau-ponty souligne l'importance de notre relation avec les autres dans notre construction de la conscience de soi. il met en évidence comment notre expérience du monde extérieur, à travers les interactions avec autrui, faà§onne notre perception de nous-mêmes et notre compréhension de notre propre esprit. il souligne également l'importance du langage et de la culture dans ce processus.
(1908 - 1961) Maurice Merleau-Ponty, philosophe phénoménologue du XXe siècle, met en lien la perception, la corporéité et la relation entre le corps et l'esprit. Son œuvre explore la manière dont nous appréhendons le monde à travers nos sens et notre expérience corporelle, et remet en question les conceptions dualistes traditionnelles.
objectif/subjectif/intersubjectif
« Nous ne vivons pas d'abord dans la conscience de nous-même - ni même d'ailleurs dans la conscience des choses - mais dans l'expérience d'autrui. Jamais nous ne nous sentons exister qu'après avoir déjà pris contact avec les autres, et notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit d'ailleurs beaucoup à notre fréquentation d'autrui. Un nourrisson de quelques mois est déjà fort habile à distinguer la bienveillance, la colère, la peur sur le visage d'autrui, à un moment où il ne saurait avoir appris par l'examen de son propre corps les signes physiques de ces émotions. C'est donc que le corps d'autrui, dans ses diverses gesticulations, lui apparaît investi d'emblée d'une signification émotionnelle, c'est donc qu'il apprend à connaître l'esprit tout autant comme comportement visible que dans l'intimité de son propre esprit. Et l'adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l'enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir. Le contact de nous-même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même. Si bien qu'enfin le pur soi, l'esprit, sans instruments et sans histoire, s'il est bien comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu, ne s'accomplit en liberté effective que par l'instrument du langage et en participant à la vie du monde. »
Merleau-Ponty, Causeries (1948)
[A] - Questions d'analyse
1) Comment le texte explique-t-il que nous ne vivons pas d'abord dans la conscience de nous-même, mais dans l'expérience d'autrui ?
2) Quelle est la relation entre notre réflexion et notre contact avec les autres, selon le texte ?
3) Comment est-ce que les nourrissons apprennent à comprendre les émotions d'autrui ?
4) En quoi le langage et la culture sont-ils importants dans la connaissance de soi, selon le texte ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase "Le contact de nous-même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même."
2) En vous basant sur les éléments précédents, résumez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.
[C] - Commentaire
1) Pensez-vous que l'expérience d'autrui soit essentielle pour notre développement personnel ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, réfléchissez à l'importance du langage et de la culture dans la construction de notre identité.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
le texte de merleau-ponty vise à remettre en question l'idée d'une conscience de soi immédiate et solitaire, en montrant que nous ne nous connaissons qu'à travers le rapport à autrui et à la culture.
L'auteur procède par trois étapes :
- dans la première phrase, il affirme que nous ne vivons pas d'abord dans la conscience de nous-même, mais dans l'expérience d'autrui.
Il s'agit d'une thèse forte, qui s'oppose à la tradition cartésienne qui fait de la conscience de soi le fondement de la connaissance.
Il s'appuie sur le fait que nous ne nous sentons exister qu'après avoir pris contact avec les autres, et que notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit beaucoup à notre fréquentation d'autrui.
Il souligne ainsi le caractère dérivé et dépendant de notre conscience de soi, qui n'est pas une donnée immédiate, mais le résultat d'une relation sociale.
L'enjeu de cette affirmation est de montrer que nous ne sommes pas des sujets isolés et transparents à nous-même, mais des êtres en situation, qui se découvrent à travers le regard des autres.
- dans la deuxième phrase, il illustre sa thèse par l'exemple du nourrisson, qui est capable de reconnaître les émotions sur le visage d'autrui avant de les connaître sur son propre corps.
Il s'agit d'un argument empirique, qui s'appuie sur les observations de la psychologie du développement.
Il montre que le corps d'autrui n'est pas perçu comme un simple objet physique, mais comme porteur d'une signification émotionnelle, qui renvoie à une vie intérieure.
Il en déduit que nous apprenons à connaître l'esprit tout autant comme comportement visible que dans l'intimité de notre propre esprit.
Il souligne ainsi le caractère intersubjectif de la connaissance de soi, qui n'est pas fondée sur une introspection solitaire, mais sur une communication avec autrui.
- dans la troisième phrase, il élargit sa perspective en considérant l'influence de la culture sur notre conscience de soi.
Il affirme que l'adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l'enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir.
Il s'agit d'un argument sociologique, qui s'appuie sur le rôle des institutions et des symboles dans la formation de notre identité.
Il montre que le contact de nous-même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même.
Il souligne ainsi le caractère historique et culturel de la conscience de soi, qui n'est pas une essence immuable, mais une construction variable.
- dans la dernière phrase, il nuance sa thèse en reconnaissant l'existence d'un pur soi, qui serait comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu.
Il s'agit d'une concession, qui vise à éviter le reproche d'un déterminisme social ou historique.
Il montre qu'il y a bien une part de liberté et d'autonomie dans notre conscience de soi, qui n'est pas entièrement réductible aux influences extérieures.
Mais il ajoute aussitôt que ce pur soi ne s'accomplit en liberté effective que par l'instrument du langage et en participant à la vie du monde.
Il souligne ainsi le caractère relatif et conditionné de cette liberté, qui n'est pas une pure spontanéité, mais une médiation par des signes et des actions.
En conclusion, le texte de merleau-ponty propose une conception dialectique de la conscience de soi, qui n'est ni une donnée immédiate ni une illusion sociale, mais le résultat d'une interaction complexe entre le sujet et son environnement humain et culturel.