• Locke
La liberté de l'esprit : entre choix et contraintes
liberté - conscience



Le contexte :

Dans cet extrait de l'essai sur l'entendement humain, locke aborde la question de la liberté de l'esprit. il souligne que si l'esprit a la capacité de choisir ses pensées, il est également soumis à  des contraintes, parfois inévitables, qui limitent cette liberté.

L' auteur :

Locke

(1632-1704) Philosophe du mouvement de l'empirisme anglais, qui stipule que toute connaissance dérive par nature de l'expérience. Toute sa philosophie fait découler des implications pratiques à partir de ce constat.

Le repère :

obligation/contrainte

Le texte :

« Il en est des pensées de l'esprit comme des mouvements du corps : quand on a le pouvoir de penser à une chose ou de l'ignorer selon ce que préfère l'esprit, alors on dispose de liberté. Un homme éveillé a nécessairement une idée constamment présente à l'esprit : il ne dispose pas de la liberté de penser ou de ne pas penser, pas plus que de la liberté de toucher ou non un autre corps avec le sien. Par contre, porter son attention d'une idée à l'autre relève souvent de son choix ; donc sa liberté à l'égard de ses idées est aussi grande que celle à l'égard des corps qui le soutiennent : il peut se déplacer à loisir de l'une à l'autre. Il y a cependant pour l'esprit quelques idées, comme pour le corps quelques mouvements, qui ne peuvent en certaines circonstances être évitées ni chassées, même à grand peine. Soumis à la torture, un homme n'a pas la liberté de se défaire de l'idée de douleur ni de se divertir par d'autres considérations ; et parfois une passion violente bouleverse nos pensées comme un ouragan nos corps, sans nous laisser la liberté de penser à d'autres choses que nous préférerions. Mais dès que l'esprit retrouve le pouvoir d'arrêter ou de continuer, de commencer ou d'éviter un mouvement extérieur du corps ou un mouvement intérieur des pensées, selon qu'il juge à propos de préférer l'un à l'autre, alors nous considérons à nouveau l'homme comme un agent libre. »
Locke, Essai sur l'entendement humain (1689)

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Quelle analogie l'auteur établit-il entre les pensées de l'esprit et les mouvements du corps dans ce text�
2) Comment Locke définit-il la liberté en ce qui concerne les pensées de l'esprit?
3) Selon l'auteur, quelles sont les circonstances dans lesquelles l'esprit peut perdre sa liberté de penser?
4) Quelle est la relation entre la liberté de l'esprit et sa capacité à choisir ses idées?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Il y a cependant pour l'esprit quelques idées, comme pour le corps quelques mouvements, qui ne peuvent en certaines circonstances être évitées ni chassées, même à grand peine."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire
1) Locke affirme que l'homme est libre lorsque son esprit peut choisir ses idées. Qu'en pensez-vous? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la liberté de l'esprit telle que décrite par Locke est une liberté absolue ou si elle comporte des limitations.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de locke : le texte traite de la notion de liberté, et plus précisément de la liberté de penser.

L'auteur cherche à définir les conditions et les limites de cette liberté, en la comparant à la liberté de mouvement du corps.

Il distingue ainsi trois cas :

- le premier cas est celui où l'esprit a le pouvoir de penser ou d'ignorer une chose selon sa préférence.

C'est le cas le plus courant, où l'on dispose d'une liberté de choix entre différentes idées.

Locke illustre ce cas par l'exemple d'un homme éveillé qui peut porter son attention d'une idée à l'autre à loisir.

Il compare ce cas à celui où l'on peut toucher ou non un autre corps avec le sien, c'est-à-dire où l'on a une liberté de mouvement physique.

L'auteur affirme que la liberté de penser est aussi grande que la liberté de mouvement dans ce cas.



- le deuxième cas est celui où l'esprit n'a pas le pouvoir d'ignorer une chose qui s'impose à lui.

C'est le cas où l'on est contraint par une cause extérieure ou intérieure qui nous empêche de penser librement.

Locke donne deux exemples de ce cas : celui d'un homme soumis à la torture, qui ne peut se défaire de l'idée de douleur, et celui d'un homme dominé par une passion violente, qui ne peut se divertir par d'autres considérations.

Il compare ce cas à celui où l'on ne peut pas éviter ni chasser un mouvement du corps, c'est-à-dire où l'on est privé de liberté de mouvement physique.

L'auteur affirme que la liberté de penser est aussi réduite que la liberté de mouvement dans ce cas.



- le troisième cas est celui où l'esprit retrouve le pouvoir d'arrêter ou de continuer, de commencer ou d'éviter un mouvement du corps ou des pensées.

C'est le cas où l'on redevient maître de soi, où l'on peut agir selon son jugement et sa volonté.

Locke n'illustre pas ce cas par un exemple précis, mais il le présente comme le critère pour considérer un homme comme un agent libre.

Il compare ce cas à celui où l'on peut contrôler ses mouvements du corps, c'est-à-dire où l'on a une liberté d'action physique.

L'auteur affirme que la liberté de penser est aussi réelle que la liberté d'action dans ce cas.

L'enjeu du texte est donc de montrer que la liberté de penser n'est pas absolue, mais qu'elle dépend des circonstances et des capacités de l'esprit.

Locke veut ainsi défendre une conception empiriste et modérée de la liberté, qui reconnaît les influences extérieures et intérieures sur nos pensées, mais qui affirme aussi la possibilité d'un usage rationnel et volontaire de notre entendement.