(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.
légal/légitime
« Quel est le véritable fondement du droit de punir ? Nous dirons qu'il est double : l'intérêt général et la justice. L'objet immédiat du législateur est d'assurer par des moyens convenables la conservation de la société, conservation qui ne va pas sans le respect par chacun des droits de tous. C'est pourquoi la société en frappant le coupable poursuit avant tout un but de répression et d'intimidation. C'est le but immédiat. C'est ce qu'il faut retenir du système de la défense sociale. Mais pour la société comme pour l'individu, le droit de légitime défense a des limites, et ces limites sont tracées en toutes circonstances par la justice. De même que je puis et dois me défendre quand on m'attaque, mais que je n'ai pas le droit d'user de cette faculté plus qu'il n'est nécessaire pour assurer ma conservation et mettre mon agresseur dans l'impossibilité de nuire, ainsi la société doit se défendre contre une agression, mais parmi les moyens dont elle userait, il y en a d'injustes. Il est juste que le châtiment soit proportionné à l'offense et qu'il ne soit pas trop sévère, même si l'intérêt de la société devait y trouver son prix. Il est injuste de sacrifier un citoyen à tous, et c'est pourquoi, même si l'intérêt général paraît y trouver son compte, le législateur doit s'abstenir de le faire. La justice absolue considérée comme un idéal supérieur intervient donc ici, mais moins comme un idéal à réaliser que comme une restriction constamment apportée à la poursuite de l'intérêt général. »
Bergson, Cours de morale, de métaphysique et d'histoire de la philosophie moderne (lycée Henri IV, 1892-1893)
[A] - Questions d'analyse
1) Quel est le fondement du droit de punir selon le texte ?
2) Que signifie l'expression "l'intérêt général" dans le contexte du texte ?
3) Comment la société poursuit-elle son but de répression et d'intimidation ?
4) Quelles sont les limites du droit de légitime défense pour la société et pour l'individu ?
[B] - Éléments de synth��se
Voici une possible analyse du texte :
dans ce texte, bergson s'interroge sur le fondement du droit de punir, c'est-à-dire sur la raison qui justifie que la société puisse infliger des peines aux individus qui transgressent ses lois.
Il distingue deux principes qui fondent ce droit : l'intérêt général et la justice.
Il va montrer que ces deux principes sont à la fois complémentaires et limités.
Dans un premier temps, il affirme que l'objet immédiat du législateur est d'assurer la conservation de la société, qui dépend du respect des droits de tous par chacun.
Il en déduit que la société a le droit de se défendre contre les agressions qui menacent son ordre et sa sécurité, et que pour cela, elle doit frapper le coupable avec un but de répression et d'intimidation.
Il reprend ainsi l'idée du système de la défense sociale, qui considère que le droit de punir est fondé sur l'intérêt général et la nécessité de prévenir le crime.
Mais dans un second temps, il nuance cette idée en affirmant que le droit de légitime défense a des limites, et que ces limites sont tracées par la justice.
Il compare la situation de la société à celle de l'individu, qui peut et doit se défendre quand on l'attaque, mais qui n'a pas le droit d'aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer sa conservation et neutraliser son agresseur.
Il en conclut que la société doit aussi respecter certaines règles de justice dans l'exercice du droit de punir, comme la proportionnalité du châtiment à l'offense, ou le respect de la dignité du citoyen.
Il rejette ainsi l'idée d'un sacrifice d'un individu au nom de l'intérêt général, qui serait injuste.
Il introduit donc la notion de justice absolue, considérée comme un idéal supérieur, qui intervient comme une restriction à la poursuite de l'intérêt général.
On peut donc dire que bergson expose dans ce texte une conception du droit de punir qui repose sur un équilibre entre l'intérêt général et la justice.
Il reconnaît que le premier est le but immédiat du législateur, mais il souligne que le second est une limite nécessaire au droit de légitime défense.
Il montre ainsi que le droit de punir n'est pas seulement une question d'utilité sociale, mais aussi une question de valeur morale.